Covid-19: la géolocalisation des smartphones, une arme controversée pour endiguer l’épidémie
BFMTV, 18 mars 2020 (extrait)
L’Autriche, la Belgique, Israël ou encore l’Allemagne mettent tour à tour à profit les données télécom pour cerner au mieux la propagation de l’épidémie. Cette piste reste pour le moment écartée en France.
Comment traquer, au plus près, les déplacements d’une personne, et retracer ses interactions sociales sur plusieurs heures, voire plusieurs jours? En suivant la localisation de son smartphone, qui reste bien souvent à portée de main. Pour plusieurs gouvernements, la mise à profit des données télécom s’est ainsi présentée comme une option de choix à l’aune de l’épidémie de Covid-19.
En Allemagne, l’opérateur Deutsche Telekom a rendu accessible une partie de ses données télécom, anonymisées, à un institut de santé, pour mieux modéliser les flux de population, rapporte Der Tagesspiegel ce 17 mars. En parallèle, les trois opérateurs télécom belges envisagent de recourir à leurs données pour organiser des plans de prévention plus ciblés, s’avance L’Echo. Aux Etats-Unis, c’est la piste des données Google et Facebook qui est envisagée, relate le Washington Post. En Chine, une créatrice de podcast ayant voyagé entre Shanghai et Wuxi indiquait récemment avoir donné son consentement à son opérateur pour transmettre aux autorités ses données de déplacement sur les deux dernières semaines, et prouver ainsi ce qu’elle avançait.
Suivre les personnes contaminées
L’une des mesures les plus drastiques en matière de surveillance des données télécom provient d’Israël. Le pays a tout récemment approuvé des méthodes de surveillance électronique de masse, jusqu’alors réservées à la lutte antiterroriste, pour endiguer l’épidémie de Covid-19, relevait Le Monde. Son service de sécurité intérieure, le Shin Beth, pourra traquer les données de localisation des téléphones portables de personnes infectées, sans autorisation préalable de la justice et ce durant trente jours.
Cette surveillance s’étendra également à ceux s’étant trouvés à proximité de personnes contaminées, dans les quatorze jours avant qu’elles aient été testées. Ces données ont vocation à être transmises au ministère de la santé, qui devra prévenir par SMS les personnes susceptibles d’avoir été contaminées, en leur demandant de se placer en quarantaine chez eux. À Taiwan, où la surveillance des données télécom s’avère particulièrement stricte, les autorités ont utilisé des données de téléphones portables pour s’assurer que les personnes infectées respectaient bien l’isolement.
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En France, le suivi des données télécom, et en particulier de la géolocalisation, se fait au cas par cas, avec autorisation préalable et dans le cadre délimité de la lutte antiterroriste. Cette technique de surveillance, dite « douce », est prévue par la loi renseignement de 2015. lI s’agit de récolter « en temps réel » toutes les informations de connexion d’une personne « préalablement identifiée comme présentant une menace », pour mieux déterminer l’identité de ses interlocuteurs et sa localisation. Cette surveillance a en 2016 été étendue aux personnes susceptibles d’être en lien avec une menace, et à leur entourage.
Le contexte exceptionnel de cette épidémie pourrait-il changer la donne? « Pour le moment, les mesures envisagées en France sont loin d’être les plus problématiques au monde en matière de respect de la vie privée« , estime Félix Tréguer, cofondateur de la Quadrature du Net, en rappelant que la Chine s’en remet à des QR codes pour réguler les déplacements sur son territoire. « Nous sommes néanmoins face à un cas de figure inédit. Les propos d’Emmanuel Macron, sur le fait que nous étions « en guerre », laissaient clairement entendre que l’on pouvait s’attendre à des mesures relevant d’un Etat de guerre ou d’un Etat d’urgence. Il est encore un peu tôt pour déterminer si certains dispositifs de surveillance se montrent réellement contraires à la culture française« .
Israël permet aux services secrets de suivre les personnes soupçonnées d’avoir le coronavirus
AP, 18 mars 2020 (extrait)
Le cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu a approuvé lundi (heure locale) le règlement d’urgence pour 30 jours qui permettra au service de sécurité interne du Shin Bet d’exploiter les données des téléphones portables pour retracer les mouvements des personnes infectées par le virus.
Les données, habituellement utilisées pour la lutte contre le
terrorisme, seront utilisées par le ministère de la Santé pour localiser et alerter ceux qui se trouvent à proximité, a indiqué le gouvernement. Une telle cybersurveillance nécessiterait normalement une ratification parlementaire et un contrôle judiciaire. M. Netanyahu, qui a annoncé la mesure, a contourné le processus en invoquant les ordres d’urgence.
La nouvelle tactique vise à utiliser la technologie de suivi des
téléphones mobiles et un examen des données de carte de crédit pour donner un historique beaucoup plus précis des mouvements d’une personne infectée avant son diagnostic et identifier les personnes qui auraient pu être exposées. Il y a 324 cas confirmés de coronavirus en Israël. Dans les territoires palestiniens, 41 ont été confirmés en Cisjordanie occupée, aucun dans la bande de Gaza.
Alors que Nadav Argaman, le chef du Shin Bet, a reconnu que l’utilisation des capacités de lutte contre le terrorisme de l’agence pour suivre les citoyens israéliens malades s’écarte des opérations typiques du Shin Bet contre les militants palestiniens, il a déclaré que l’objectif était toujours conforme à sa mission globale de « sauver des vies« .
M. Argaman a promis qu’il y aurait une surveillance stricte pour maintenir la vie privée des individus et que les agents n’utiliseraient leurs résultats de géolocalisation à partir des téléphones portables et de l’utilisation des cartes de crédit que pour avertir ceux qui pourraient être exposés au virus – plutôt que d’appliquer une quarantaine imposée par le gouvernement.
« Les autres organes de l’Etat ne disposent pas des moyens technologiques nécessaires pour soutenir cet effort« , a déclaré M. Argaman dans un communiqué.