Et pendant ce temps…

…l’État français vient de passer il y a trois jours un appel d’offre public pour la somme de 3,795 millions d’euros, via le Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) du ministère de l’Intérieur, afin de compléter l’équipement policier et gendarmesque. Non, pas en masques et en gants, bien que cette engeance soit l’un des principaux vecteurs de contamination des réfractaires quand elle ne les assassine pas, mais en quelque chose de beaucoup plus utile. Satisfait de l’obéissance (notamment nocturne) de la plupart de ses braves sujets qui désertent les rues sur ordre en laissant les réfractaires à découvert – soit à la merci de la première charogne en uniforme qui passe, plus encore que d’habitude –, le maître s’est peut-être dit qu’il était temps de tirer quelques leçons pratiques du laboratoire technologique géant qui se déploie sous nos yeux et sur notre peau.

Lorsqu’il y a du monde, un drone peut certes leur être utile pour avoir une vue d’ensemble et diriger les manœuvres policières, graver des images comme une super-caméra, patrouiller une zone à risque, voire prendre en filature certains rebelles (choisis par exemple dans une foule émeutière), mais c’est lorsque le vide s’étend que leur joujou technologique devient plus fourbe encore : deux à trois clampins habilités peuvent alors tenter de dénicher sur plusieurs kilomètres et jusque dans des zones plus incongrues les rares individus qui pour des motifs variés braveraient les interdictions (sans parler des haut-parleurs donneurs d’ordre ou des caméras thermiques qu’ils peuvent trimballer).
La limite actuelle des drones restant leur instabilité relative et leur autonomie de vol (environ 30 minutes), il est clair que leur efficacité peut à la fois être renforcée en diminuant le nombre de personnes indues à surveiller, et à la fois en augmentant le nombre d’engins volants. Et ça tombe bien, parce le pouvoir dispose actuellement de ces deux avantages relatifs, outre le fait d’habituer la population à leur présence intrusive au nom de l’urgence. Un avantage qu’il aurait alors tort de ne pas pousser plus loin, vu le niveau de soumission sociale du moment.

C’est donc ainsi que le 10 avril 2020 au milieu du Grand Confinement, l’Etat vient de lancer son appel d’offre pour acquérir pas moins de 651 drones policiers de toutes tailles :

  • 565 « micro-drones du quotidien » (< 1 kg, autonomie > 25 min, capteur thermique, zoom > x6, distance de transmission > 3 km) ;
  • 66 « drones de capacité nationale » (poids < 8 kg, autonomie > 20 min, vidéo 4K, zoom > x30 en caméra jour, distance de transmission > 5 km) ;
  • et 20 « nano-drones spécialisés » (poids < 50 g, autonomie > 25 min, capteur thermique, distance de transmission > 2km, données chiffrées).

Soit 3,555 millions d’euros pour les engins volants, et 240 000 euros pour les « Passerelles de réception des trames wifi des drones», ce qui reste une des pistes pour les neutraliser en brouillant leurs ondes (en plus des coups de fusil ou de fronde, des lasers pour brûler leur cellule optique, des filets et autres drones-kamikazes).

Les 20 « nano-drones spécialisés » pour la police et la gendarmerie seront quant à eux certainement de la même famille d’insectes que ceux acquis il y a un an par l’armée de terre française (janvier 2019), soit près de 1500 engins de type Black Hornet PRS 3 fabriqués par l’entreprise FLIR Systems, pour un coût de 77,3 millions d’euros. Ce dernier fait « 16 centimètres de long et un poids plume de 33 grammes, il peut voler jusqu’à 10 mètres d’altitude et parcourir 5 mètres par secondes, permettant au soldat d’obtenir des vidéos en direct et des images HD, tout en restant discret». Bref, de quoi satisfaire tous les citoyens qui n’hésitent pas à se dépouiller de la moindre parcelle de liberté formelle en échange d’une sécurité illusoire, après avoir délégué chaque aspect de leur (sur)vie à l’Etat.

Une fois de plus, c’est aujourd’hui que tout cela se passe, c’est ici et maintenant qu’il faut agir, même en brisant le Grand Confinement, afin d’attaquer les différents aspects de la domination, et pas demain en se calquant sur une quelconque échéance ou modalité pensée par le pouvoir. Comme le disait plus ou moins la chanson, c’est reculer de d’être stationnaire, on le devient de trop se confiner… : allez, à chacun.e le sien !

NB : L’appel d’offre de drones policiers du 10 avril 2020 au BOAMP est ici. Le résultat de l’appel d’offre de drones militaires du 17 janvier 2019 au TED est là.