Tripoli (Liban) : briser le confinement, brûler des banques, affronter l’armée…

Liban : heurts à Tripoli entre l’armée et des manifestants
France24, 28 avril 2020

Des manifestants libanais ont bravé le confinement lundi soir à Tripoli et des incidents ont éclaté avec l’armée qui tentait de les repousser. Au moins trois personnes ont été hospitalisées [en fait une quarantaine, dont un manifestant décédé].

Des affrontements ont eu lieu dans la soirée de lundi 27 avril à Tripoli, dans le nord du Liban, entre l’armée et des centaines de manifestants réclamant un changement radical face à la crise économique.

Malgré le confinement décrété dans le pays face à la pandémie de coronavirus, des hommes, des femmes et des enfants ont défilé dans les rues, aux cris de « Révolution ! Révolution ! ».

Les manifestants ont été repoussés par l’armée au moment où ils voulaient rejoindre la maison d’un parlementaire auquel ils sont hostiles. Certains ont jeté des pierres, l’armée a répliqué par des tirs en l’air pour disperser la foule dans la zone de la place al-Nour.

D’après l’Agence nationale de l’information (officielle), la vitrine d’une banque a été brisée. L’armée a fait état d’incendies dans plusieurs banques, et du jet d’un cocktail molotov sur un véhicule militaire. La Croix-Rouge a affirmé avoir transporté trois personnes vers l’hôpital, et en avoir soigné d’autres sur place. Lundi soir également, les locaux de la banque centrale à Sidon (sud) ont été visés par des pierres et des pétards, selon l’Agence nationale de l’information. C’est dans cette ville samedi soir qu’un engin explosif avait été jeté contre une banque.

Le Liban est confronté à sa pire crise économique depuis la guerre civile (1975-1990), et la pandémie mondiale n’a fait qu’empirer les problèmes. La chute de la livre libanaise alimente une inflation qui a aggravé les difficultés pour la population, notamment dans une ville comme Tripoli, où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.


Véhicules en feu, banques détruites, des blessés : nuit tendue à Tripoli
L’Orient le jour, 28 avril 2020 (extrait)

Véhicules en feu, banques aux façades détruites, tirs et blessés : la tension est montée d’un cran lundi soir à Tripoli (Liban-Nord, 850 000 habitants) où des manifestants s’étaient au départ rassemblés dans le calme place al-Nour, poussant l’armée libanaise à publier un communiqué peu après minuit pour accuser « des fauteurs de troubles » d’avoir commis des actes de vandalisme dans la capitale du Nord.

Dans des vidéos diffusées cette nuit sur les réseaux sociaux, l’on peut entendre des rafales de tirs et des manifestants lancer des slogans hostiles au Hezbollah. On voit également des pneus brûlés, des agences bancaires détruites, un homme ensanglanté transporté par les manifestants. D’autres vidéos montrent un véhicule de l’armée libanaise en feu tandis que de jeunes hommes lancent des pierres et des pneus sur un autre véhicule.

Après que les manifestants aient mis le feu à plusieurs agences bancaires aux alentours de la place al-Nour et de la rue des Banques, l’Association des Banques du Liban a annoncé dans un communiqué que les agences bancaires de Tripoli seront fermées mardi et jusqu’à nouvel ordre.

Selon notre correspondante Hoda Chédid, sept personnes auraient été blessées. Sur son compte Twitter, la Croix-Rouge libanaise a indiqué avoir dépêché sur place six de ses équipes pour transporter les blessés. Les pompiers se sont également rendus sur les lieux.

(…) Durant toute la journée, lundi, des Libanais se sont mobilisés dans la rue. Déjà dimanche soir, des centaines de personnes étaient descendues dans les rues du pays pour manifester contre la pire crise économique et financière des 30 dernières années au Liban. Au fil des heures, les coupures de routes se sont multipliées sur tout le territoire, comme une véritable traînée de poudre.

Depuis l’automne, les établissements bancaires ont restreint les retraits en dollars avant de les arrêter complètement en mars et de rendre quasiment impossibles les virements à l’étranger, suscitant la colère de la population. Le Liban surendetté – et en défaut de paiement depuis mars – a connu en octobre dernier un mouvement de contestation inédit contre la classe politique, jugée coupable de corruption et d’incompétence. La rue accuse le secteur bancaire de complicité avec le pouvoir politique et d’avoir contribué à l’endettement effréné de l’État.

La colère contre les banques est également attisée par la dégringolade continue de la livre libanaise face au dollar sur le marché parallèle, entraînant une forte inflation des prix à la consommation.  La situation économique du Liban est en outre aggravée depuis mi-mars par les mesures draconiennes de confinement mises en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19.


Nuit de violence à Tripoli : un manifestant blessé par balle décède


Coronavirus et crise économique au Liban : scènes de guérilla urbaine à Tripoli ce lundi soir
RTBF, 28 avril 2020

Ce lundi 28 avril en soirée on a assisté à des scènes de guérilla urbaine à Tripoli la deuxième plus grande ville libanaise. « Des tirs ont été entendus, des personnes sont blessées, des feux ont été allumés. La ville serait hors de contrôle ce soir » relatent des médias locaux.

Ces derniers jours, plusieurs manifestations ont eu lieu en journée, notamment avec des cortèges de voitures dans la capitale, malgré le confinement réclamé par les autorités qui ont aussi adopté un couvre-feu nocturne.

Le Liban avait connu le 17 octobre 2019 un vaste mouvement de contestation, qui a vu certains jours des centaines de milliers de personnes mobilisées à travers tout le pays, pour crier leur ras-le-bol et réclamer le renouvellement de la classe politique, accusée de corruption et d’incompétence.

Et depuis des mois, le pays est englué dans une très grave crise économique, amplifiée par la pandémie de coronavirus et les mesures préventives ayant mis le pays à l’arrêt.

Environ 45% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, selon des estimations officielles. En 2020, l’économie devrait connaître une contraction massive de 12%, selon le Fonds monétaire international (FMI). Le Liban connaît aussi une dépréciation de sa monnaie nationale face au dollar, ayant entraîné une forte inflation.

Les banques libanaises sont aussi accusées par la rue de complicité avec le pouvoir politique et d’avoir contribué à l’endettement public effréné et la faillite de l’Etat.


A Tripoli, le coronavirus est le dernier des soucis des Libanais

Alors que le Liban subit une forte récession économique, la mise en quarantaine de la ville risque de pousser une population affamée au désespoir.

Ils étaient venus crier leur colère contre la situation économique. Ils se sont fait disperser manu militari avec une violence inouïe. Sur leurs visages, une rage de vivre, et dans leur main, une galette de pain. Un symbole, alors que de nombreuses familles n’ont plus de quoi s’en payer, particulièrement à Tripoli, la capitale du Liban-Nord. « Les politiciens détournent notre attention avec le coronavirus pour pouvoir continuer de nous voler« , scandaient, le 16 avril, des manifestants libanais, avant de se faire tabasser par les forces de l’armée.

A Tripoli, la place al-Nour a constitué, durant de longs mois, le centre névralgique de la révolution du 17 octobre, déclenchée contre la classe politique et économique dirigeante accusée de corruption et d’incompétence. Alors que les directives de confinement, imposées par l’État libanais le 14 mars en raison de la pandémie, ont été plus ou moins bien respectées dans l’ensemble du pays, une grande partie des habitants de Tripoli ne parvient pas à s’y plier. Le total de personnes ayant contracté le virus depuis le 21 février s’élève à 672. Et 21 décès ont été enregistrés.