A chacun son péché mignon

En période de confinement, certains n’ont plus grand chose à se mettre sous la dent. Ceci en raison notamment de la fermeture de nombreux commerces de bouche. Mais pour satisfaire leur appétit féroce, nos amis rongeurs, qui sont dotés d’un odorat des plus développés parmi les espèces qui peuplent la planète, ont trouvé un met tout aussi succulent et abondant.

A partir du XVIIIe siècle, Rattus norvegicus a peu à peu remplacé Rattus rattus sous nos latitudes, plus communément appelé « le rat noir ». Plus grand, plus gros et plus gourmand que son prédécesseur, il possède un goût très développé et n’hésite pas à trier sa nourriture pour trouver les aliments qu’il affectionne tout particulièrement. Par ailleurs, il est capable d’enregistrer les goûts de ce qu’il mange et parvient même à savoir si un aliment qui lui est connu a été modifié.

A Poitiers, dans la Vienne, nos fins gourmets se sont donc payés, dans la nuit du 11 au 12 avril, un gueuleton qui se trouvait sous le bitume entre l’Hôtel de ville et la médiathèque. Mais, qu’est-ce qui peut bien se trouver à quelques mètres sous nos pieds et que les rongeurs savent apprécier à leur juste valeur? Des câbles en fibre optique dont les gaines sont riches en amidon. Celles-ci pourraient d’ailleurs devenir un de leurs déjeuners favoris dans les années à venir, étant donné son déploiement partout sur le territoire. 

Leur repas n’a pas été du goût de la domination, puisqu’il a notamment coupé net plusieurs serveurs installés dans des sites annexes de la municipalité.

Ce petit animal très mobile et à forte capacité de reproduction n’a jamais joui d’une grande popularité à travers l’histoire, notamment parce qu’il est considéré responsable à la fois de la propagation de la peste et d’une multitude de maladies. Mais qu’importe la mauvaise réputation, cet excès de gourmandise poitevine parlera peut-être au coeur de celles et ceux qui se réjouissent déjà des récents sabotages contre le réseau…

De là à y voir la patte d’une mouvance d’ultra-Rattus qui, en plein confinement, multiplie les repas riches en fibres et ronge les artères de la domination technologique…

[Sans Attendre Demain, 11 mai 2020]