L’état d’urgence accélère le déploiement des antennes-relais

[Vingt-cinq ordonnances rendues possibles par l’adoption de la loi d’urgence (dite sanitaire) pendant deux mois ont été présentées et adoptées le 25 mars en conseil des ministres. La n°6 concerne « l’adaptation des délais et des procédures applicables à l’implantation ou la modification d’une installation de communications électroniques afin d’assurer le fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques ». Ceci afin de pouvoir multiplier l’installation de nouvelles antennes de téléphonie mobile en général, et notamment au cas où elles viendraient à défaillir ici ou là (la cinquantaine d’antennes qui se sont suicidées en 2019 oblige). Concrètement, cette ordonnance n°6 suspend pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire l’obligation de transmission d’un dossier d’information au maire ; suspend d’obtenir l’accord préalable de l’Agence nationale des fréquences ; elle réduit à 48h le délai d’instruction par l’État pour en installer de nouvelles « à titre temporaire et dans le cadre d’interventions urgentes » ; elle dispense d’autorisation d’urbanisme dans ce même cas.]

Des antennes relais vont-elles être installées partout en France pendant le confinement ?
Capital, 4 avril 2020

Pour faire face à l’accroissement de l’usage d’Internet pendant le confinement, les ordonnances prises en application de la loi d’état d’urgence sanitaire autorisent les opérateurs à de nouvelles « installations radioélectriques ».

Les opérateurs téléphoniques vont-ils profiter du confinement pour multiplier les installations d’antennes relais en France ? C’est une question que se pose Reporterre puisque les ordonnances prises en application de la loi d’état d’urgence sanitaire autorisent les opérateurs à de nouvelles « installations radioélectriques » pour faire face à l’accroissement de l’usage du numérique. Plusieurs associations de lutte contre les ondes redoutent qu’ils ne profitent de cette réglementation exceptionnelle pour installer des antennes relais un peu partout en France.

En pratique, les textes autorisent les opérateurs de téléphonie à adapter les « procédures applicables pour garantir la continuité du fonctionnement des services et de ces réseaux » alors que les réseaux internet sont pris d’assaut pendant le confinement. Lorsque le réseau internet sature, ils peuvent donc rajouter de la bande passante sans les autorisations habituelles. « Il s’agit de pouvoir intervenir en urgence pour rétablir l’intégrité du réseau dans cette période inédite de confinement« , assure à Reporterre la Fédération française des télécoms. Toutefois la Fédération tient à rassurer en précisant que les opérateurs installeront « des équipements à titre temporaire, qui devront être démontés au plus tard dans les deux mois post état d’urgence sanitaire« .

Ce qui inquiète, c’est l’absence d’obligation d’information des mairies, et donc des usagers. En vertu de la loi d’urgence sanitaire, « l’obligation de transmission d’un dossier d’information au maire ou au président d’intercommunalité en vue de l’exploitation ou de la modification d’une installation radioélectrique » est suspendue. Sophie Pelletier, présidente de Priartem, association qui travaille sur les risques liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques, assure à Reporterre que « cette situation annihile la capacité des collectivités à assurer l’information et l’instruction des dossiers qui leur seraient adressés, ainsi que les droits des citoyens à participer et les droits des tiers à exercer un recours« . Elle a alerté de ce problème dans une lettre envoyée au président du comité de dialogue de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), le gendarme des ondes.

Le contrôle en amont de l’ANFR est également suspendu par les ordonnances prises en application de la loi d’urgence sanitaire, qui autorisent un exploitant à implanter une station radioélectrique sans son accord. « Aujourd’hui, avec le télétravail, les antennes qui couvrent les domiciles sont très sollicitées. Des ajustements doivent être faits immédiatement, il est absurde d’attendre cinq semaines« , assure pourtant son directeur Gilles Brégant.

Il doute que les opérateurs de téléphonie profitent de l’occasion pour multiplier les antennes relais en France. « Je ne sais pas s’ils ont forcément envie d’investir durablement pour une configuration de réseau qui correspond à un pays en confinement« , assure le directeur de l’ANFR. Gilles Brégant pointe également du doigt le problème de l’installation puisque construire une antenne relais nécessite l’intervention d’entreprises du bâtiment, dont beaucoup subissent aussi des mesures de confinement. Toutefois, il leur est très facile d’augmenter la capacité des installations déjà existantes.


Orange installe son antenne-relais à Verneuil-sur-Vienne sous les yeux de certains habitants écœurés… Mais confinés
Le populaire du Centre, 5 avril 2020 (extrait)

A Verneuil-sur-Vienne [Limousin], l’antenne-relais de l’opérateur Orange, contre laquelle s’oppose un collectif de riverains depuis plusieurs mois, vient d’être installée en pleine période de confinement, créant la surprise.

Dans la tranquillité d’un matin de confinement à la campagne, les riverains de Verneuil-sur-Vienne ont brusquement été réveillés par d’étranges coups de marteau.

Jeudi 2 avril, les agents de la société Axians, missionnés par l’opérateur Orange, étaient à pied d’oeuvre pour installer l’antenne-relais et son pylône de 35 mètres de haut au 6 allée du Petit-Mas-du-Puy. Certains riverains se disent surpris par l’entame des travaux. Ces derniers assurent n’avoir pas été avertis de l’installation de l’antenne contre laquelle ils se mobilisent depuis plusieurs mois. « Nous avons la désagréable surprise de constater qu’à l’heure où je vous parle, le pylône est en train de s’installer à proximité immédiate de nos habitations. Nous sommes d’autant plus surpris que nous sommes en période de confinement, et que les ouvriers ne portent aucune protection », nous alerte David Mautailla, porte-parole du collectif des riverains opposé à l’installation de l’antenne-relais Orange.

Depuis octobre dernier, le collectif multiplie les manifestations pour se faire entendre, ainsi que les recours pour empêcher l’installation de l’antenne et l’arrivée de la 4G. (…) Concernant la période de confinement, l’entreprise Orange assure prioriser ses interventions auprès des hôpitaux, médecins et personnes fragiles dans ce contexte de crise sanitaire. Mais elle n’exclut pas de poursuivre ou d’entamer l’installation de ses antennes-relais à plusieurs endroits du Limousin.


Déploiement 4G et crise sanitaire : pas d’impact visible sur les chiffres de mars
Degroupnews, 3 avril 2020

Le confinement n’a pas vraiment eu d’impact visible en chiffres sur le déploiement de la 4G le mois dernier. C’est ce qui ressort des dernières données publiés par l’Agence nationale des fréquences, pour le mois de mars.

Au 1er avril 2020, l’ANFR comptabilisait ainsi des hausses de 1% d’un mois sur l’autre des demandes d’autorisations et des activations de sites 4G. Soit la cadence habituellement constatée. Tout en gardant à l’esprit que les restrictions n’ont été mises en place que mi-mars. Et qu’il peut y avoir un délai entre l’installation d’une antenne et son activation…

L’impact de la crise sanitaire risque en revanche d’être observable dans les données des mois à venir, les opérateurs donnant la priorité à la maintenance et au redimensionnement de leurs réseaux. L’objectif est de faire face à la forte sollicitation des réseaux – voix et données – ainsi qu’à la nouvelle donne géographique induite par le confinement. C’est-à-dire une sollicitation inhabituellement forte des réseaux mobiles dans les zones résidentielles en journée, ou encore dans les secteurs à forte concentration de résidences secondaires.

Ainsi, le volet infrastructures numériques de la loi d’Urgence votée pour faire face aux conséquences de l’épidémie de coronavirus comporte des dispositions à des destinations des opérateurs mobiles. Ils pourront recourir à une « procédure simplifiée pour des sites qui permettront d’assurer une continuité de service ». Une initiative trop récente, toutefois, pour figurer dans le bilan de mars, « la demande d’autorisation des sites autorisés au 1er avril ayant été reçue avant que ce dispositif ne soit applicable« , explique l’ANFR.

Brèves du Grand Confinement. Sortir pour saisir l'occasion (et inversement)