A l’inverse des petits enfermeurs militants qui n’ont pas les moyens de leurs grandes ambitions autoritaires, le sommet de l’Etat avait –lui– juré craché (oups) que les militaires déployés dans le cadre de l’opération Résilience allaient essentiellement s’occuper d’humanitaire. De toute façon, ils n’ont pas de pouvoir de police judiciaire pour dresser des amendes, assuraient les préfets la main sur le cœur, juste celui de te shooter les jambes dans le meilleur des cas. De fait, ils patrouillent Famas en bandoulière autour des « objectifs sensibles » définis dans chaque Zone de Défense, ici des pharmacies ou là des zones commerciales « sous tension » qui risquent d’être pillées, quand il ne s’agit pas d’infrastructures critiques ou d’entrepôts industriels. Apparemment, les cambrioleurs et autres saboteurs d’unité nationale n’attendront pas tous les calendes grecques pour agir, selon les projections du pouvoir. De plus, les militaires de Résilience sont dores et déjà coordonnés avec gendarmerie et polices pour patrouiller les rues plus ou moins désertes et faire respecter le confinement.
Quant à leurs 8500 collègues en armes de Sentinelle, dont une partie n’assure plus seulement des gardes fixes mais s’est remise à patrouiller de façon plus visible et pas uniquement aux abords des gares, ils effectuent par exemple des barrages routiers mixtes avec les gendarmes pour contrôler les attestations de déplacement, comme nous le vante L’Union de Reims ce 10 avril, photo champêtre à l’appui. Comment est-on passé d’un dispositif officiellement « anti-terroriste » comme Sentinelle à de banals contrôles diffus et quotidiens de véhicules par ces mêmes assassins en uniforme sur des checks-points, sinon en assimilant les potentiels réfractaires au confinement à des empoisonneurs qui veulent « nuire à la vie d’autrui », soit à de potentiels terroristes de masse ? Ou comment renverser les rôles et les responsabilités entre spécialistes du terrorisme d’Etat qui bombardent, empoisonnent (si les bombes à uranium appauvri vous disent quelque chose) et massacrent de façon indiscriminée des populations entières aux quatre coins de la planète au nom du profit et des intérêts géostratégiques, et des individus qui n’entendent pas abdiquer leurs bribes de liberté formelle et d’auto-organisation face à un nouveau virus dont l’Etat a décidé que le Grand Confinement était le seul remède.
Ailleurs encore, dans la lignée de dispositifs comme les Chasseurs Vigilants de l’Oise créé en 2018 (« Nous serons un peu les RG des campagnes » déclarait alors son Président), un préfet comme celui de Seine-et-Marne s’est permis de réquisitionner le 3 avril par arrêté nombre de petits larbins qui collaboraient déjà avec lui, chasseurs et garde-chasse mais aussi agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et de l’Office National des Forêts (ONF), afin de patrouiller chemins de halage, lacs ou domaines forestiers de 10h à 17h. Bien qu’il ait dû manger son képi à glands dorés le 9 avril et retirer son arrêté préfectoral sous la pression, cela donne tout de même une idée claire à la fois du besoin étatique de compléter l’utilisation de ses joujoux technologiques (drones et autres hélicos à caméras thermiques) par du petit personnel au sol plus abondant, et de la limite qu’ils rencontrent : celle de tous les individus qui s’adaptent au Grand Confinement pour déjouer ses pièges et continuent de se promener au soleil… ou sous la lune, et pas seulement pour faire du jogging. Un peu partout, l’ONF continue d’ailleurs son sale travail de flics de la forêt, comme le 9 avril en Savoie où ses agents ont mené une patrouille mixte par drone au col de La Lattaz avec la gendarmerie de Chambéry. Les uns connaissent bien sentiers, chemins de randonnée et lieux escarpés, les seconds maîtrisent la technologie.
Cultiver l’imprévu est donc plus que jamais une qualité indispensable par les temps qui courent. Que ce soit pour saisir l’occasion de se faire un peu d’argent, avec ces 17% de domiciles désertés par des parisiens fortunés, ou avec tous ces commerces fermés, comme le dénonçait BFM le 2 avril en pointant les 22 cambriolages en quatre jours sur la région parisienne : « Ces cambriolages concernent aussi bien des épiceries, des pharmacies, des restaurants ou encore des bureaux de tabac… Les méfaits ont le plus souvent lieu la nuit, entre 22 heures et 6 heures du matin, les cambrioleurs profitant du fait que très peu de monde se trouve désormais dans les rues, confinement oblige. » Ou que ce soit pour approfondir la guerre sociale, naturellement.