Archives de catégorie : Réflexions éparses

Tutto bene?! Réflexions anarchistes en temps de coronavirus

Andrà tutto bene, tout ira bien, voilà le leitmotiv répandu en Italie en période de coronavirus, affiché aux balcons, twitté et retwitté par la naïveté idiote de ceux dont l’imaginaire appauvri et avilissant ne peut que se complaire en se raccrochant à l’espoir qu’après le dépassement de cette « crise », le monde puisse revenir celui d’avant, en cautionnant ainsi ce fameux « retour à la normale ».
Mais comme nous, anarchistes, haïssons la normalité d’hier aussi bien que celle qui se présente dans le monde de demain, nous ne pouvons que mettre toute notre énergie, nos désirs, notre capacité à comprendre et à agir dans la tentative de rompre totalement avec ce monde de soumission à l’autorité et au pouvoir.

Au-delà des Alpes, les compagnons et les compagnonnes anarchistes ont donné beaucoup d’importance au fait de briser la paralysie de l’obéissance – imposée en premier lieu par l’État en cette période de pandémie –, en multipliant entre autres les échanges d’idées, de pensées, de réflexions et d’analyses sur la situation et ses évolutions. Un grand nombre de textes ont alors circulé, autant pour favoriser la compréhension des multiples facettes de ce moment, que pour se forger les armes les plus offensives et appropriées pour attaquer.
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A chacun son péché mignon

En période de confinement, certains n’ont plus grand chose à se mettre sous la dent. Ceci en raison notamment de la fermeture de nombreux commerces de bouche. Mais pour satisfaire leur appétit féroce, nos amis rongeurs, qui sont dotés d’un odorat des plus développés parmi les espèces qui peuplent la planète, ont trouvé un met tout aussi succulent et abondant.
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Aucune normalité

« Du jamais-vu en vingt ans », a déclaré mercredi 6 mai un haut dirigeant d’une compagnie de téléphonie française. A quoi faisait-il référence ? A la panique nationale qui se déchaîne en cette période de pandémie, aux profits que son entreprise tirera grâce au confinement qui contraint des millions d’usagers à rester coller devant des dispositifs électroniques depuis des semaines, à l’effondrement du niveau de pollution de l’air lié à la quarantaine… ? Non, il faisait référence à toute autre chose : au sabotage qui s’était produit le jour précédent en Île-de-France, la région où se trouve la capitale du pays avec ses ministères politiques et ses sièges de centres financiers et économiques. Un sabotage défini comme « intentionnel à grande échelle », qui s’est en plus produit 48 heures après qu’un journal parisien ait lancé l’alerte publique sur la « reprise de l’action directe » à travers tout l’hexagone contre les (infra)structures de la domination.
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Le bel art du sabotage

Entre les idiots de la toile qui ne voient le capitalisme et l’État que sous forme de grandes figures médiatiques ou d’intérêts obscurs qui dirigeraient le monde, et les imbéciles heureux du mouvement rrrévolutionnaire incapables de saisir qu’un rapport social s’incarne aussi dans des hommes et des structures de la domination au coin de la rue, on assiste à un véritable concours de brassage de vent. Les premiers s’inventent de grands vilains expiatoires, si possible les plus éloignés et caricaturaux possibles, quand les seconds conscientisent sur les besoins primaires ou documentent les moindres recoins complexes de la misère et de l’oppression du moment.
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Le traçage des potentiels pestiférés s’affine encore

Après avoir détaillé dans un premier temps le traçage humain par les flics en blouses blanches des Brigades Sanitaires, l’État est en train d’organiser son pendant numérique. Pour rappel, le traçage de masse à l’envers devrait définir les cas-contacts comme toute personne s’étant trouvée pendant 15 minutes à moins de deux mètres de distance d’un cas-positif dans les dernières 48 heures. Quelques mesures sont déjà en cours de développement.
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La quarantaine ou la mort !?

« Les maladies infectieuses sont un sujet triste et terrible, bien sûr, mais dans des conditions ordinaires ce sont des événements naturels, comme un lion dévorant un gnou ou un hibou saisissant une souris »
David Quammen, Spillover, 2012

Ou comme un tremblement de terre qui fait trembler le sol, ou comme un tsunami qui submerge les côtes. Là où ils ne provoquent pas de victimes, ou presque, ces phénomènes ne sont même pas remarqués. Ce n’est que lorsque le comptage macabre commence à grimper qu’ils cessent d’être considérés comme des événements naturels pour devenir d’immenses tragédies. Et ils prennent des dimensions terribles et insupportables surtout lorsqu’ils se produisent sous nos yeux, ici et maintenant, plutôt que sur un continent ou dans un passé lointains et faciles à ignorer. Alors, quand est-ce que ces événements naturels en soi sèment-ils la mort ? Lorsque leur survenance n’est pas du tout prise en considération, préalable pour ne prendre aucune mesure de précaution face à eux. Construire des maisons en béton dans des zones hautement sismiques, par exemple, est une manière assurée de transformer un tremblement de terre en une catastrophe. En attendant les prochaines pluies, déboiser une montagne signifie préparer un glissement de terrain qui balaiera le village en contrebas, tout comme cimenter le lit d’une rivière qui traverse des zones habitées signifie promettre une crue qui inondera souterrains et parties basses des bâtiments.
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Gare au Brigades Sanitaires ! (suite)

Un conseil des ministres extraordinaire s’est tenu samedi 2 mai pour définir plus précisément le projet de loi qui sera voté ces prochains jours. D’une part il prolonge l’état d’urgence sanitaire de deux mois supplémentaires, du 24 mai au 24 juillet, d’autre part il définit le fonctionnement des flics en blouses blanches des Brigades Sanitaires.
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Gare aux Brigades Sanitaires !

L’une des annonces du Premier ministre le 28 avril passée un peu plus inaperçue que la création de zones rouges et vertes au niveau départemental ou que la fin des attestations sur moins de 100 km, concerne le lancement d’un immense dispositif de traçage humain et de flicage sanitaire de la population : « Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent bien lieu à l’application correcte de la doctrine nationale».
En complément de la fameuse appli pour smartphones en cours d’élaboration qui prétend enregistrer l’ensemble des personnes fréquentées ou croisées plus de x minutes et à moins d’un mètre sur les 15 derniers jours, voici donc quelques infos qui commencent à sortir sur les futurs 30 000 flics en blouse blanche des Brigades sanitaires chargées de remonter la trace de toutes les personnes-contacts des cas positifs afin de les mettre en quarantaine de précaution et de les tester à leur tour.
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Esquisses pour une critique du confinement

[Malgré quelques désaccords (par exemple sur l’emploi du terme politique, l’absence des révoltes/insoumissions ou son enthousiasme un peu trop collectif à notre goût), Esquisses pour une critique du confinement a trouvé sa place ici.
…Parce qu’il affronte directement la question du confinement avec ses contradictions et absurdités ou comme instrument de pouvoir, sans se cacher derrière son petit doigt ni derrière les idéologies de juste milieu à la mode (genre « ni pour ni contre le confinement », « pour un confinement différent de celui de l’Etat », voire « restons chez nous en attendant le feu vert pour faire ceci ou cela, mais bon quand même, si les crève-la-faim du 93 ou du Liban l’envoient chier, on kiffe pour eux).
…Parce que « Finalement remettre en question le confinement est peut-être la manière la plus sérieuse de considérer la gravité de l’épidémie et de réfléchir aux moyens d’y parer.  »
…Parce qu’ « Au vu de la situation environnementale et des formes de vie capitalistes, des coronavirus risquent fort de venir nous visiter tous les ans. Il nous faudra bien vivre avec eux et ne pas nous barricader chez nous à la moindre alerte. Le risque de la peur de la contagion, c’est la peur de la vie même. »
…Parce qu’ « Il s’agit de ne pas attendre ni la fin du confinement ni la fin du risque épidémique ordonnées par l’État. Il s’agit au contraire de trouver dès maintenant les manières d’y résister, collectivement, et individuellement. »]


Le fil sur lequel se tient l’entièreté de ce texte, c’est le confinement, comme réalité vécue et comme outil de pouvoir.
L’enjeu, l’ambition, n’est absolument pas de produire une réflexion sur la situation dans son ensemble – ce dont nous aurions été bien incapables, et encore moins dans un format comme celui-ci.
« Variations sur le confinement » aurait pu constituer un autre titre.

Esquisses pour une critique du confinement

Confinement : n.m. Fait d’être retiré, enfermé dans des limites étroites. Maintien d’un être vivant dans un milieu de volume restreint et clos.
Syn. « réclusion ».
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La promesse du Feu

La petite ville de 9000 habitants de Vauclin, située dans les Antilles sur la côte atlantique de la Martinique, présente depuis un mois quelques particularités qu’il serait bien dommage d’ignorer. Par exemple, quand on tire son propre nom de celui d’un colon – le comte de Vauquelin qui a débarqué à partir de 1720 pour faire fortune sur des plantations de canne à sucre et de tabac exploitées avec le sang et la sueur des esclaves–, de garder en mémoire ce que Progrès veut dire.

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Et pendant ce temps…

…l’État français vient de passer il y a trois jours un appel d’offre public pour la somme de 3,795 millions d’euros, via le Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) du ministère de l’Intérieur, afin de compléter l’équipement policier et gendarmesque. Non, pas en masques et en gants, bien que cette engeance soit l’un des principaux vecteurs de contamination des réfractaires quand elle ne les assassine pas, mais en quelque chose de beaucoup plus utile. Satisfait de l’obéissance (notamment nocturne) de la plupart de ses braves sujets qui désertent les rues sur ordre en laissant les réfractaires à découvert – soit à la merci de la première charogne en uniforme qui passe, plus encore que d’habitude –, le maître s’est peut-être dit qu’il était temps de tirer quelques leçons pratiques du laboratoire technologique géant qui se déploie sous nos yeux et sur notre peau.
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La solidarité comme arme

traduit de l’espagnol sur SansAttendre de Madrid Quarantena City n°2, avril 2020

« Chaque citoyen doit prendre soin de lui pour prendre soin des autres. Nous pouvons tous faire quelque chose d’important pour les autres ». C’est avec ces mots que le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s’est adressé à la population au début de la situation que nous vivons tous à présent, avant de continuer : « c’est indispensable », « la discipline sociale », mais nous parviendrons à vaincre la pandémie avec « unité » et « responsabilité ».

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Les faux amis du déconfinement

Les faux amis du déconfinement
The plague and the Fire (sans autre mention de source), 12 avril 2020

Certaines voix médiatiques se font entendre depuis quelques jours
appelant au déconfinement, notamment par souci de préserver les libertés individuelles. Mais c’est une conception particulière de la liberté, celle où autrui est une limite plutôt qu’une extension de ma propre liberté, et surtout une liberté qui s’incarne dans la valorisation du capital et l’acquisition de marchandises. Une liberté du libéralisme, c’est-à-dire une liberté qui s’appuie sur l’exploitation et s’acoquine avec l’arbitraire.
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« Agir pour empêcher que cette dystopie continue d’exister »

[Malgré quelques désaccords comme la survalorisation de la « socialité » en soi (qui est bien souvent une autre forme d’aliénation) ou sur le fait de proposer une date collective et symbolique de rupture de confinement (ici le 25 avril italien, jour pourri de fête nationale initialement lié à la « libération contre le fascisme ») – en lui préférant de loin une multiplication d’actes individuels imprévisibles –, nous avons trouvé pertinent de reproduire le texte suivant comme contribution à la situation en cours. Il présente au moins pour le contexte francophone l’intérêt de poser clairement quelques points de base : d’une part refuser le chantage à l’obéissance au nom de la complexité ou de l’urgence, pour continuer malgré tout d’agir dans la rue contre la domination ; d’autre part en proposant de s’en prendre aux causes du désastre au nom de la vie que nous voulons, plutôt que d’accepter cette survie (à présent virusée et auparavant pas mieux).]

Proposition pour un 25 avril qui soit libératoire
traduit de l’italien de Inferno Urbano, 11 avril 2020

Depuis quelques semaines, près de 3 milliards de personnes sont assignées de force à résidence. En Italie, comme dans d’autres parties du monde, les premières personnes qui se sont rebellées contre l’aggravation de leurs conditions de survie, les prisonniers dans les taules, ont été réprimées avec des morts et des blessés. Alors que la science propose des thèses qui s’opposent entre elles, une partie de la communauté scientifique affirme que la période de quarantaine, y compris en phases alternées, durera au moins jusqu’à la fin de l’année prochaine. L’État, de son côté, a déjà choisi quelle vérité propager pour justifier les mesures qu’il adopte. L’isolement forcé à la maison est prolongé, la seule proposition-contrainte avancée pour la population est d’obéir et d’attendre en se surveillant les uns les autres et en s’auto-surveillant… Mais jusqu’à quand ?
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Délations et leçons

C’est une info qui est tombée hier, selon laquelle près de 72% des Italiens pense —d’après un sondage—  qu’il est juste de dénoncer aux forces de l’ordre les personnes qui ne respectent pas les interdictions anti-pandémie. Seraient notamment dénoncés les éventuels rassemblements ou les fêtes à la maison. Presque trois Italiens sur quatre espionneraient donc les comportements de leurs voisins, prêt à appeler la police lorsque quelqu’un a l’audace de se rencontrer et se divertir entre amis ? Et que dire de tous ces potentiels assassins qui osent aller courir, faire sortir le chien, offrir de l’air libre aux enfants pour jouer —peut-être même avec leurs copains— ?
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Le diable se niche…

Parfois, ce n’est ni dans le titre d’un article de journal, ni dans le corps principal du texte, mais au détour d’une petite phrase que se niche l’information importante. Depuis un philosophe allemand qui se proposait d’aller au-delà du Bien (étatique) et du Mal (épidémique), il est d’ailleurs bien connu que le diable se niche parfois dans les détails. Un de ces articles, publié par La Provence du 2 avril, nous apprend ainsi la reprise précoce du travail dans une usine de Marignane. Et pas qu’un peu, puisqu’on y parle de 2200 salariés.
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France : vers un nouveau durcissement du confinement

Qui peut encore penser un instant que la situation de confinement actuelle n’est pas destinée à se durcir ? Il suffit d’une part d’observer ce qui se fait dans les pays proches (Italie, Espagne) qui ont plusieurs jours d’avance dans la progression du pic de l’épidémie, et d’autre part de comprendre qu’apparemment tout cela passe mieux petit à petit, comme un mauvais remède autoritaire à avaler goutte à goutte en se pinçant le nez avant de s’y habituer, mais pour notre bien à tous. En tout cas si on pense que la domination travaille au bien de ses sujets.
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You’ll never riot alone

Une autre pandémie est aujourd’hui en cours sur toute la planète. L’OMS ne s’en occupe pas le moins du monde, ce n’est pas de sa compétence, et les médias tentent de la passer sous silence ou de la minimiser. Mais les gouvernements du monde entier sont préoccupés par le risque qu’elle implique. Cette pandémie est en train de se diffuser dans le sillage du virus biologique qui remplit aujourd’hui les hôpitaux. Elle se répand là où passe le Covid-19, en somme. Elle coupe également le souffle. La peur de la contagion est en effet en train de provoquer la contagion de la rage. Les premiers symptômes de malaise ont tendance à s’aggraver, se transformant d’abord en frustration, puis en désespoir, et enfin en rage. Une rage suite à la disparition, sur décret sanitaire, des dernières miettes de survie qui restaient.

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